La vocation du réemploi | Rencontre avec Emmanuel MOREL, ARTICONNEX

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Publié le

11/07/2022
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Le projet d'ARTICONNEX consiste à s'appuyer sur le réemploi pour remettre des matériaux sur le marché pour que le bâtiment continue d’avoir à long terme de quoi construire. Cela nous amène à sourcer continuellement des matériaux de réemploi qu’on ne trouve pas sur catalogue. On a deux activités, les sols-murs d’un côté, et le bois, la quincaillerie, le sanitaire et le chauffage de l’autre.
Emmanuel MOREL, co-fondateur ARTICONNEX
Nous sommes donc un acteur du commerce des matériaux de construction, avec toute sa complexité : la logistique, le suivi, la comptabilité, etc. Le réemploi est un sujet technique à bien connaître pour que cela fonctionne bien. Par exemple, déposer des poutres de 11 mètres de long, les transporter, les stocker, cela demande des compétences précises.
Emmanuel MOREL

Bonjour Emmanuel MOREL, comment allez-vous dans cette période de crise sanitaire et diplomatique, doublée d’incertitudes économiques, sans oublier la crise climatique qui s’accentue ?

Cela va très bien, familialement et professionnellement. Je m’épanouis dans ce que je fais. Je fais partie de ceux qui ont de la chance. Je propose des solutions intéressantes qui font avancer le secteur. Avec ARTICONNEX, on arrive au bon moment, au bon endroit, tout cela est très positif. J’en suis même à regretter de ne pas avoir plus de critiques constructives, car cela nous aiderait à avancer !

Pouvez-vous vous présenter, et nous communiquer vos 3 points forts personnels et professionnels ?

Cela fait bien longtemps que je n’ai pas répondu à ce type de question qu’on entend dans un entretien de recrutement !

Mes 3 points forts sont la confiance, qui me permet de prendre des risques, la pugnacité, qui me permet d’y aller même quand on me dit que ce n’est pas possible, et le réseau, car on ne réussit pas tout seul. Je m’entoure et je vais vers les autres pour apprendre.

Pouvez-vous nous raconter pourquoi vous avez créé ARTICONNEX ?

ARTICONNEX est né d’une problématique artisanale. Mon ami de 20 ans, Jean-Clair LE FLOCH se plaignait de jeter trop de matériaux neufs, sans solutions. J’étais à l’époque engagé dans une activité de crèches pour enfant. 6-9 mois après qu’il m’ait fait part de ce sujet, je suis revenu vers lui, et c’est comme cela que nous avons créé ensemble ARTICONNEX fin 2019 - début 2020.

Au départ notre idée était d’accompagner les artisans pour le réemploi des matériaux neufs non utilisés et le partage de leurs outillages, sachant qu’un atelier d’artisan n’est utilisé que le quart du temps. On a donc mis en place une Market Place pour faire les deux choses, louer du matériel et vendre des matériaux.

Un troisième associé, Raphaël MOREL est venu nous rejoindre, et peu à peu, nous avons pris conscience que les professionnels ne cherchent pas à vendre, mais à se débarrasser des matériaux inutilisés. Avec cette logique, on s’est rendu compte que notre projet fonctionnait, et en plus, il permettait de s’adresser à tous les professionnels de la construction, et pas seulement aux artisans.

On a donc ouvert un premier puis un deuxième entrepôt-magasin dans l’agglomération nantaise (un troisième est à venir à la rentrée) pour les pro et les particuliers, avec un seul prix et aucune négociation, c’est plus simple.

Et voilà, l’histoire. Comme vous le voyez, on s’adapte et on fait évoluer notre projet en permanence.

Pouvez-vous présenter ARTICONNEX ?

ARTICONNEX, c’est donc aujourd’hui 3 associés, 6 salariés, et un stagiaire. Notre projet consiste à s'appuyer sur le réemploi pour remettre des matériaux sur le marché pour que le bâtiment continue d’avoir à long terme de quoi construire.

Cela nous amène à sourcer continuellement des matériaux de réemploi qu’on ne trouve pas sur catalogue. On a deux activités, les sols-murs d’un côté, et le bois, la quincaillerie, le sanitaire et le chauffage de l’autre.

Nous sommes donc un acteur du commerce des matériaux de construction, avec toute sa complexité : la logistique, le suivi, la comptabilité, etc. Le réemploi est un sujet technique à bien connaître pour que cela fonctionne bien. Par exemple, déposer des poutres de 11 mètres de long, les transporter, les stocker, cela demande des compétences précises.

Quel est votre rôle, votre contribution au sein d’ARTICONNEX ?

Jean-Clair est sur le sourcing et la technique des matériaux, Raphaël est sur la communication, le faire-savoir, la relation avec les particuliers, la compréhension des clients, l’informatique et la logistique.

Je m’occupe plutôt de l’univers du réemploi. Mon objectif est d’être connu comme preneur de matériaux. Je m’occupe aussi de la relation avec les grands comptes comme Charrier, Bouygues, Emmaüs, Eiffage, Occamat etc.

On est en relation avec plusieurs promoteurs qui veulent commencer sur le réemploi. Ils ont une vision a plus long terme que nous, cela nous fait donc monter en compétence. On essaie de comprendre l’écosystème qui fait avancer le réemploi, les BET, les bureaux de contrôle, la maîtrise d’œuvre. Nous sommes dans une région plutôt bien fournie en nombre d’acteurs sur le réemploi. Ce qui manque, c’est la partie assurantielle.

Je vais régulièrement sur les chantiers pour pouvoir raconter l’histoire des matériaux et la documenter.

Quelle sont les cibles ou les marchés d’ARTICONNEX ? 

On a 2 cibles. D’une part, on cherche constamment des matériaux, et donc, on va travailler avec tous ceux qui peuvent nous en fournir. On connaît désormais beaucoup de fournisseurs.

D’autre part, du côté des clients, cela va du particulier et aux auto-entrepreneurs, en passant par les entreprises connexes au bâtiment, comme celles qui assurent la protection de chantier ou le modulaire. On a pu travailler avec Bouygues avec des panneaux pour protéger certains de leurs chantiers. On travaille avec l’ensan. C’est un panel de clients très large, ce qui ne nous aide pas, car on n’a pas de commerciaux pour le moment.

Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents ?

Aujourd’hui, il n’y a personne qui fasse strictement la même chose que nous : le déstockage, le déclassé et le réemploi.

Le concurrent est celui qui va avoir du stock. Il existe en définitive peu de ressourceries, elles ont un réseau de clients qui n’attendent pas la même chose que les nôtres.

Sur le déstockage, il y a quelques déstockeurs qui sont souvent spécialisés sur un mono produit, et souvent éloignés des villes avec de grands entrepôts. Nous préférons quant à nous, rester proche de l’agglomération nantaise.

Une autre différence, c’est le fait que nous avons une vraie vocation dans le réemploi, nous apportons de l’ingénierie du réemploi, nous allons attester de la performance de matériaux. Notre objectif est de revendre des matériaux qui soient assurés.

Quelles sont les 2-3 réalisations dont vous êtes le plus fier ?

On va être sur des choses qui vont protéger les chantiers, comme le musée Dobrée à Nantes, pour lequel on a fait un lien entre un besoin et une disponibilité. OCCAMAT protège tous ses chantiers avec nos produits. La mairie de Blain porte un de nos futurs gros projets avec un bâtiment comportant avec un maximum de réemploi, dont les poutres de 11 mètres dont je parlais à l’instant.

On a régulièrement des photos de nos clients qui nous montrent ce qu’elles ont fait avec les produits que nous leur avons vendus. Il y a des réalisations magnifiques à partir de nos matériaux.

On a dû vendre plusieurs milliers de mètre carré de parquet posés chez les clients. On a aussi travaillé avec une mairie qui a demandé de la moquette pour de l’isolation à acoustique. Il y a un gâchis incroyable sur de la moquette. On commence à discuter avec des organisateurs de salons professionnels qui sont de gros consommateurs de ces produits.

Quelle place accordez-vous à l’innovation et à la R&D ?

On innove par notre offre. Il y a des questions R & D qui sont sous traitées. Nous sommes proches de l’ICAM et de l’ESB qui ont des moyens de test. On travaille aussi avec les vernis Milesi. La SOCOTEC est un partenaire avec qui nous avons envie d’aller plus loin.

ARTICONNEX intègre-t-elle une démarche d’atténuation, d’adaptation, de transformation, face aux dérèglements climatiques ?

On ne mesure rien de ce qu’on fait pour l’instant, alors que nous avons un impact très important sur la décarbonation du secteur. Je pense qu’on devrait mieux connaître le carbone évité par notre activité. Mais, il faut bien le dire, le secteur BTP ne nous le demande pas pour le moment. Nous allons mettre en place ces mesures dans les mois à venir.

L’économie circulaire ou le réemploi permettent d’éviter de la production de matériaux neufs, cela a forcément un impact. Quand on connaît l’état des stocks chez les producteurs, il y a des choses faisables pour les mettre sur le marché. La profession a encore un peu trop l’habitude de jeter et ne pense pas encore assez au réemploi. Les sites d’enfouissement ne sont pas « joli joli » à voir. C’est un peu triste de constater cette quantité de déchets qui pourraient trouver un usage ailleurs.

Pourriez-vous nous faire part d’engagements que vous avez pris personnellement, ou en tant que dirigeant d’entreprise, en lien avec les questions climatiques ?

Je trie et j’ai un composteur, je prends le vélo chaque fois que je peux.

Dans l’entreprise, on loue les entrepôts, ce qui ne nous permet pas de tout maîtriser. On va essayer d’améliorer la luminosité naturelle pour diminuer l’éclairage artificiel.

Quelle vision portez-vous sur l’avenir du bâtiment, de la ville, des aménagements ? Quelles tendances voyez-vous émerger ?

Je pense que le réemploi massifié va prendre beaucoup de temps à s’installer, du fait des freins comme l’assurabilité des matériaux. On le fait, matériau par matériau, par composant de matériaux, c’est donc long et méticuleux.

Les isolants sont un bon sujet, il n’y a qu’une usine de recyclage. Il y a plus de preneurs que de faiseurs, mais avant d’arriver des volumes intéressants, cela va prendre du temps. Les aménageurs incluent de plus en plus des exigences sur le réemploi dans leurs consultations, cela va donc prendre, sans aucun doute, mais quand ? Les financeurs verront bien l’intérêt économique de ne pas gâcher de matière.

Il faut aussi aller voir ailleurs, là où l’on fait bien mieux que nous depuis très longtemps. Je pense à ROTOR en Belgique. Cela peut être un exemple mais avec des contraintes techniques du bâtiment qui sont différentes des nôtres.

Ce qu’il faudrait, c’est que le rassemblement des acteurs avance, avec le syndicat du réemploi en cours de création. Cela va permettre d’être entendu un peu plus fort.

Une question maintenant sur votre territoire. Quel est votre port d’attache ? Est-ce que vous pouvez décrire votre relation à ce territoire ? Ce qu’il vous apporte ? Ce que vous lui apportez ?

Avant j’étais parisien. C’est plus facile d’entreprendre à Nantes, de rencontrer des personnes intéressées. A Paris, je n’aurais jamais eu l’idée d’appeler des gens de la région, des élus de la métropole, des promoteurs. C’est une bonne taille de ville, et on est loin d’en avoir fait le tour. Il y a beaucoup de projets de construction. C’est un territoire qui permet de se développer, et en plus, il y a à une heure de route des agglomérations importantes.

Auprès de qui ou de quoi allez-vous puisez votre énergie quand vous en avez besoin ?

Mes associés, les clients, les salariés.

Je voudrais dire un mot sur nos clients. On est attentif à eux, nous voulons savoir comment ils nous ont connu. Parfois nos clients deviennent nos fournisseurs. Nous leur portons de l’intérêt, nous prenons du temps avec eux. On a la chance que tout le monde nous dise que ce que nous faisons est bien.

Et le pas-de-côté que vous n’avez pas encore fait que vous aimeriez faire ?

Je n’hésite pas du tout à faire des pas-de-côté. Je crois que nous allons déjà assez loin, franchement.

On teste, on teste, on teste.

On va désormais jusqu’à la fabrication. On fonctionne aussi par étape. La prochaine étape, c’est un développement avec d’autres entrepôts-magasins et des unités de re-fabrication. Mais comme notre projet est de remettre des matériaux sur le marché, nous allons rester dans le secteur du bâtiment, le mobilier de bureau, proposé fréquemment, ne nous intéresse pas. Il y a une cohérence.

Vous êtes membre de NOVABUILD, quels bénéfices en retirez-vous, en attendez-vous ?

NOVABUILD est un animateur de connaissances. J’appelle ponctuellement Juliette LAVISSE, car elle connaît tout le monde. C’est toujours intéressant d’avoir ce type de conversation, cela permet de créer des liens avec des designers ou d’autres acteurs qu’on ne connaissait pas encore. Je ne sais pas si ce genre de service existe ailleurs, je n’en ai jamais entendu parler de la part des acteurs du réemploi.

Avec NOVABUILD, je peux rencontrer d’autres acteurs, échanger et me faire accompagner. Le volume de contacts que vous proposez permet d’anticiper. NOVABUILD permet aussi de transmettre notre savoir.

Pouvez-vous raconter une belle rencontre que vous avez faite avec NOVABUILD ?

La belle rencontre, c’est avec Juliette. Au début, je croyais qu’elle ne faisait que de bien organiser des animations, et je me suis rendu compte qu’elle va beaucoup plus loin, elle connaît bien, voire très bien, ce qui se réalise. Elle a une vraie motivation.

Je vous remercie d’avoir bien voulu répondre à nos questions.

 

Propos recueillis par Pierre-Yves LEGRAND, Directeur de NOVABUILD, le 24 juin 2022

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