
La Résilience Urbaine | Rencontre avec Louis DEROCHE, les Urbaculteurs
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Témoignages

Bonjour Louis Deroche, comment allez-vous dans cette période de crise sanitaire et diplomatique, doublée d’incertitudes économiques, sans oublier la crise climatique qui s’accentue ?
De mon côté, tout va bien car je suis un éternel optimiste. Je ne me sens pas le plus impacté par ces problématiques, mais je compatis avec celles et ceux qui en sont touchés de près ou de loin..
Je fais en sorte d’agir sur la crise climatique pour aller vers les bonnes solutions. J’ai choisi mon combat sur l’écologie, ce qui me permet de ne pas être sur tous les fronts en même temps. Je passe mon temps à m’intéresser au sujet et à développer des solutions. Cela me permet de penser qu’on va s’en sortir.
Pouvez-vous vous présenter, et nous communiquer vos 3 points forts personnels et professionnels ?
La patience, de par mon travail de naturaliste. L’optimisme qui permet d’aller de l’avant, j’en parlais à l’instant. Et la curiosité, aller découvrir des sujets et les creuser.
Pouvez-vous nous raconter comment vous avez intégré Les Urbaculteurs ? Pourquoi avez-vous lancé le Projet Résilience Urbaine ?
Le projet Résilience Urbaine est né d’une réflexion menée par Pascal DEPIENNE autour de l’aménagement des villes à partir de ce qui avait été fait sur le quartier zéro carbone d’Atlantech à La Rochelle.
Projet Atlantech ©Alterlab et Platicine
Il a commencé à réfléchir aux avantages et aux inconvénients de la ville, pour le stockage de carbone, l’accueil de la biodiversité et la résilience alimentaire.
Je l’ai rejoint ensuite avec plusieurs autres personnes et nous nous sommes formellement réunisfin 2020 pour créer l’association des Urbaculteurs qui a vocation à porter le projet de Résilience Urbaine.
Le projet Résilience Urbaine est un projet open source, évolutif et disponible pour toutes et pour tous. Chacun peut y participer, créer des fiches ressources sur chacun des sujets. Chaque fiche ressource est simple et accessible, elle résume des idées, des panels de solutions et renvoie vers des ressources plus complètes et précises.
Nous réalisons aussi des formations auprès des élus et services techniques, qui leur permettent d’avoir une idée globale de la façon de penser la ville de demain. Ces formations comportent des éléments de théorie et de pratique car la résilience des territoires, c’est aussi et surtout le développement et l’acquisition de compétences adaptées aux changements qui bousculent notre époque.
Ainsi, nous réalisons également des formations à destination des professionnels et professionnelles de l’aménagement (architectes, urbanistes, paysagistes, aménageurs, etc…)
Enfin, nous organisons des conférences à destination des citoyens et citoyennes sur le modèle de la Résilience Urbaine.
Et vous-même, quel a été votre parcours avant de rejoindre les Urbaculteurs ?
J’ai suivi une licence de biologie des organismes et un master de gestion de l’environnement à Rennes, à l’issue duquel j’ai travaillé 2 années au sein du Bureau d’Etudes urbaines EVEN Conseil, filiale de CITADIA Conseil (société du groupe SCET).
Puis j’ai fait un an de bénévolat pour découvrir les solutions durables en maraîchage et en éco-construction.
J’ai ensuite travaillé 2 ans comme chargé d’études ornithologue au sein du bureau d’études Calidris, spécialisé sur les études d’impact faune/flore pour des projets d’énergie renouvelable.
Depuis janvier, j’ai créé le cabinet EN3CO en tant que naturaliste indépendant. Je réalise des suivis faunistiques pour des projets d’aménagement, d’éco-tourisme et d'agroécologie.
Quel est votre rôle, votre contribution au sein des Urbaculteurs ?
Nous fonctionnons en groupes de travail (GT), et chacun des adhérents peut proposer la création de GT. J’ai ainsi pu initier quelques sujets tels que la recherche de villes pilotes pour mettre en œuvre le modèle Résilience Urbaine et développer des indicateurs d’évaluation.
Je suis aussi administrateur de l’association et interviens en tant que formateur et référent biodiversité.
S’il fallait résumer en un mot, j’ai l’impression d’être un « explorateur » au sein de l’association.
Quelles sont les cibles et le territoire d’intervention des Urbaculteurs ?
Pour les prestations de formation, nos cibles sont les services techniques et les élus des communes, pour leur donner une vision globale, mais aussi les professionnels et professionnelles de l’aménagement. Notre idée est de créer une communauté, un réseau de professionnels qui auraient une idée partagée de la ville. Nous voulons donner de la visibilité aux entreprises adhérentes qui auront été formées à cette vision de la ville.
On s’intéresse donc aussi aux associations citoyennes pour qu’ils orientent les élus, et plus globalement aux citoyens et citoyennes.
Notre géographie n’est pas limitée, mais je constate que nous sommes pour le moment principalement concentrés dans le Grand Ouest. Nous visons un maillage national, à terme.
Formation à la Résilience Urbaine organisée par Odéys à la Rochelle
Qu’est-ce qui vous différencie des autres associations équivalentes?
Nous avons l’ambition de créer un réseau et d’aller assez loin. Notre vision de la ville est issue de la permaculture, ce qui nous permet d’avoir un regard assez original, complexe et systémique.
Quel est le point fort ou la singularité des Urbaculteurs ?
Notre singularité repose sur notre idée de la ville avec le triptyque Biodiversité, Carbone, Alimentation :
- La Biodiversité. On sait que l’urbanisation et l’artificialisation des sols sont les premières causes de déclin de la biodiversité, c’est donc là qu’on peut agir.
- Stockage de carbone. Les sols ont un grand pouvoir de stockage, comme le végétal. Ce sont des sujets qui montent dans la ville avec la désimperméabilisation des sols et la revégétalisation. La sobriété énergétique est un des sujets qu’on devra aussi aborder.
- Enfin, sur la Résilience alimentaire, on sait que nous ne disposons que de 72 h de stocks en cas de rupture de la logistique urbaine. C’est donc un sujet à traiter en priorité, compte tenu de ce que l’on peut imaginer des crises à venir du fait du dérèglement climatique.
Nous ne sommes pas fermés à l’ajout de nouveaux objectifs, nous sommes aidés par exemple par une spécialiste de la santé qui nous permet d’avancer sur ce sujet, induit par les trois premiers.
Quelles sont les sources de financement des Urbaculteurs ?
Nous bénéficions de subventions qui nous ont permis de recruter un salarié et un alternant en communication.
A terme, nous visons la certification Qualiopi qui nous permettra de conforter notre offre de formation. Le réseau de professionnels et professionnelles quant à lui devrait s’autofinancer par l’adhésion.
Formation à la conception de mares
A terme, nous voulons créer un « lobbying du changement » avec un réseau complexe de citoyens, d’entreprises, d’associations et d’élus.
Quelles sont les 2-3 réalisations dont vous êtes le plus fier depuis votre création ?
Nous avons travaillé en collaboration avec ODEYS, le cluster de la construction et de l’aménagement durable en Nouvelle Aquitaine, pour former des professionnels et professionnelles de l’aménagement. Cela a enclenché notre envie de développer notre réseau de la Résilience Urbaine.
Nous avons aussi mis au point une offre de formation assez originale comme avec la commune de Neuville-de-Poitou (86): Un module de 2 jours sur le modèlesuivi de formations-actions très concrètes. Cela nous a notamment permis de préparer la plantation d’une mini-forêt avec la mobilisation de 70 citoyens.
Plantation de la mini-forêt à Neuville-de-Poitou
Enfin, je peux parler d’une formation qui se déroulera en octobre 2022, un cours certifié de permaculture, axé sur la permaculture urbaine, qui se déroulera dans le Jura.
Quelle place accordez-vous à l’innovation et à la R&D ?
L’innovation est un sujet important pour nous, car nous sommes un agrégat de solutions qui sont souvent encore en développement.
Nous cherchons une ville pilote qui nous permettrait de mettre en place des actions et des indicateurs pour évaluer leur impact et chiffrer leurs résultats. L’idéal serait de s’entourer d’organismes de recherche qui nous permettraient de bénéficier d’indicateurs fiables et indiscutables.
Votre structure intègre-t-elle une démarche d’atténuation, d’adaptation, de transformation, face aux dérèglements climatiques ?
Les solutions que nous prônons sur la biodiversité, le stockage du carbone et l’autonomie alimentaire sont pleinement en phase avec ces questions.
Quelle vision portez-vous sur l’avenir du bâtiment, de la ville, des aménagements ? Quelles tendances voyez-vous émerger ?
J’ai l’impression que les réglementations peuvent s’améliorer dans des sujets de résilience.
Le ZAN va entrer en vigueur, les déchets ménagers seront interdits progressivement avec l’obligation du compostage qui va monter en puissance. Je constate une inertie importante (en termes de changement) dans les bâtiments, ce qui a été mal fait dans le passé va perdurer. Il y a des initiatives intéressantes sur des constructions bio climatiques.
Pourriez-vous nous faire part d’engagements que vous avez pris personnellement en lien avec les questions climatiques ?
Dans ma manière de fonctionner, j’essaie de me passer de tout ce dont je n’ai pas besoin. Je refuse de prendre l’avion pour de courtes distances ou pour de courts séjours. La question des déplacements reste pour moi un poste carbone important, avec un usage de l’automobile qui reste plus important que ce que je souhaiterais.
J’habite à Nantes et je porte un projet d’habiter une maison en éco construction.
Et le pas-de-côté que vous n’avez pas encore fait que vous aimeriez faire ?
Pour que je vive mieux, mon pas-de-côté, ce serait d’avoir moins besoin de prendre la voiture, ce serait de me rapprocher du réseau nantais pour mes interventions.
Une question maintenant sur votre territoire. Quel est votre port d’attache ? Est-ce que vous pouvez décrire votre relation à ce territoire ? Ce qu’il vous apporte ? Ce que vous lui apportez ?
Nantes n’est pas professionnellement le territoire où j’agis le plus pour le moment. J’adore cette ville pour les réseaux, les initiatives notamment de jardins partagés ou d’agriculture urbaine. C’est une ville qui a plein d’exemples sur lesquels on peut s’appuyer.
Auprès de qui ou de quoi allez-vous puiser votre énergie quand vous en avez besoin ?
Je dirais que ma copine est ma source d’énergie, elle me booste continuellement.
Vous êtes membre de NOVABUILD, quels bénéfices en retirez-vous ou en attendez-vous ?
On en attend beaucoup de votre réseau, ainsi que de vos activités de formation et de conférences qui sont riches, et qui potentiellement peuvent nous permettre d’amender notre modèle. Les adhérents de NOVABUILD sont autant de professionnels et professionnelles qui pourront demain venir amender le modèle de Résilience Urbaine.
Pouvez-vous raconter une belle rencontre que vous avez faite avec NOVABUILD ?
Nous avons adhéré en début d’année 2022. Je pense à la rencontre avec Nicolas NAUD à l’apéro d’été. J’ai constaté que nous avions des idées similaires. Nous allons bientôt déjeuner ensemble. C’est exactement le type de rencontres que nous espérions en vous rejoignant.
Je vous remercie d’avoir bien voulu répondre à nos questions.
Propos recueillis par Pierre-Yves LEGRAND, directeur de Novabuild, le 24 août 2022.
(1) Commentaires
Pascal Depienne
31/08/2022 - 20:49
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