L'innovation au service du maçon | Rencontre avec Larbi AIT TALEB, HALITT

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Publié le

24/02/2021
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Chez HALITT, nous voulons mettre à la disposition du maçon des outils simples et astucieux, qui lui permettent de travailler seul, plus facilement, plus rapidement et en toute sécurité.
Larbi AIT TALEB, dirigeant de HALITT
Avec le LINTTOR, nous voulons produire des outils solides, durables et réparables, nous rejetons l’idée du jetable. On ne veut pas faire croitre la montagne de déchets du bâtiment avec nos produits.
Larbi AIT TALEB

Bonjour Larbi AIT TALEB, comment allez-vous dans cette période de crise sanitaire ?

Je vais bien, merci. Je suis dans une dynamique entrepreneuriale qui me porte. Cette crise touche beaucoup de monde, mais en définitive, elle ne freine pas l’activité de la construction. Les chantiers de maçonnerie se poursuivent. Quand le bâtiment va, tout va, comme dit la chanson !

Malgré tout, je dois bien reconnaitre que je démarre une activité dans un contexte compliqué, pour autant, nous arrivons à toucher notre cible.

Pouvez-vous vous présenter, vos 3 points forts personnels et professionnels ?

J’ai un profil international, j’ai fait mes études au Canada et je suis revenu en France en 2002. J’avais déjà à l’époque l’intention de créer une société, il fallait que je trouve le bon moment.

Parmi mes qualités, il y a un optimisme à toute épreuve, et le fait que j’aime l’aventure. J’aime bien ne pas savoir à l’avance comment les choses vont se passer. Quand je pars en vacances, je ne connais que le lieu de la première nuit d’hôtel...

L’entrepreneuriat c’est naviguer en eaux troubles. L’accepter est la seule façon pour que ce ne soit pas un calvaire. Quand on fait des prévisions, et on sait qu’il faut bien le faire, ne serait-ce que pour rassurer le banquier, on sait aussi que rien ne se passera comme prévu.

Pouvez-vous nous raconter comment et pourquoi vous avez créée HALITT ?

Comme je vous l’ai dit, j’avais en tête de monter quelque chose, la quarantaine me semblait être le bon moment, mais je ne voulais pas reprendre une société et la gérer. Je voulais créer quelque chose ex-nihilo.

J’ai été expert plusieurs années, dans la finance et la banque. La suite logique aurait été d’ouvrir un cabinet d’expertise internationale, mais je cherchais quelque chose qui ait du sens.

Il se trouve que j’ai passé plusieurs semaines avec un ami d’enfance chef de chantier, Halit GUZEL, qui m’aidait à faire l’extension de ma maison. Eh oui, je maçonne aussi car il faut dire que j’ai passé plus de temps sur les chantiers pendant mes études qu’en stage en entreprises…

Pendant ce chantier entre amis, Halit m’a parlé de l’état de son père abimé par ce métier de maçon qu’il aimait tant, de son ami victime d’un accident tragique sur un chantier. J’ai bien vu que c’était une blessure profonde qui contrastait avec la passion qu’il manifestait pour son métier. Il m’a aussi montré plein de nouveaux concepts pour faire évoluer son métier. C’est un passionné qui regorge d’idées.

Il voulait rendre son travail plus attractif, plus efficace et moins dangereux. C’était des envies, des idées, mais pas vraiment un projet industriel. Au cours de ces échanges, j’ai vu que ses limites d’homme de l’art s’ouvraient sur mon champ de compétences et réciproquement, nous étions complémentaires. Une association était née !

Pouvez-vous présenter HALITT ?

A tout seigneur tout honneur, HALITT fait référence au prénom de l’inventeur du LINTTOR, mon associé Halit GUZEL.

Nous avons choisi HALITT avec deux TT pour rappeler le tableau de maçonnerie, mais surtout pour marquer la naissance d’une start-up « low-tech ».

Nous voulons mettre le maçon au cœur du chantier, en lui donnant sa place de prestige, celle de bâtisseur.

Généralement, sur un chantier, on demande au maçon de travailler vite, de façon sécurisée, et sans malfaçons. Cela n’incite pas à la prise de risque, et donc assez peu au changement. De fait, le temps n’a pas de prise sur le travail du maçon qui effectue les mêmes gestes depuis toujours dans une grande partie du monde.

Chez HALITT, nous voulons lui mettre à disposition des outils simples et astucieux, qui lui permettent de travailler seul, plus facilement, plus rapidement et en toute sécurité.

Sur la démarche, on a identifié une première tâche pénible, qui est celle du coffrage d’un linteau. Cette tache prend entre 15 et 25 minutes à deux. Autant dire que c’est un point noir de rentabilité de l’entreprise auquel il faut ajouter les risques du travail en hauteur et la malfaçon trop fréquente…

Le défi est de rendre cette tache accessible à un apprenti seul et en moins de 3 minutes. Avec le LINTTOR, pari gagné !

Le secret, c’est qu’il s’agit d’un outil symétrique et intuitif pour que le maçon l’adopte immédiatement. Après utilisation il devient impensable pour lui de revenir en arrière, au temps où il clouait des rablettes sur des murs frais et des pointes sur la tranche des joues de coffrage qui tombaient au moindre coup de vent…

Le LINTTOR est un dispositif breveté autoportant et multifonction. Il peut remplacer un étai, ou positionner les planches de coffrage, faciliter le clavetage, la pose de coffre tunnel, de pré linteaux, sécuriser le décoffrage…

Nous l’avons présenté aux organisations professionnelles du bâtiment qui ont salué la simplicité et l’ingéniosité du dispositif.

Nous avons choisi le nom LINTTOR car c’est sobre et puissant à l’image des bâtisseurs ! La première série est sortie en décembre 2020. On fait de la vente directe, et on commence à le trouver dans un certain nombre de réseaux de négoce comme Point P ou sur le net chez Moncoffrage.com

La fabrication est faite en France, et le montage est fait à Betton (35) avec deux T, ça ne s’invente pas !

Quel est votre rôle, votre contribution au sein de HALITT ?

Je suis le chef d’orchestre. Je m’occupe de la stratégie, je vais imaginer ce qu’on peut faire avec les moyens qu’on a. Je me charge aussi des contacts commerciaux et des négociations.

J’entraîne les gens derrière moi. Nous avons commencé sans aucun moyen, c’est un choix, pour rester libres et travailler à notre rythme. Je suis donc amené à faire avancer les gens avec des encouragements, leur faire comprendre qu’il y a un intérêt au bout du chemin, ma parole est mon capital de départ ! J’ai la chance d’être épaulé par mon épouse qui est consultante en stratégie et organisation et qui est un pilier de l’entreprise. J’ai associé des compétences en chaudronnerie, en stratégie digitale, en construction, en commercialisation…

Mon associé, Halit GUZEL met en œuvre notre vision basée sur la sobriété fonctionnelle. Il imagine les outils en partant des points noirs de rentabilité, de pénibilité ou de sécurité de façon à trouver des solutions simples, épurées, solides, réparables et propres, pour rendre le produit accessible et basique. Il a une réflexion de connaisseur, de praticien, d’homme de l’art ! Il apporte des outils qui sentent le mortier loin des bureaux d’études traditionnels.

Quelles sont les cibles du LINTTOR ?

Nous n’avons pas eu une approche marketing de ciblage. Nous sommes partis du principe qu’un outil utile trouvera son chemin sur les étals…

C’est vrai qu’au départ nous pensions à l’artisan, mais en définitive, ce n’est pas tant la structure qui nous intéresse, c’est le compagnon, quelle que soit la taille du chantier ou de l’entreprise. Nous avons désormais des contacts avec des majors. Nous sommes déterminés à aider les compagnons bâtisseurs à retrouver leur place dans l’écosystème de la construction.

Notre modèle économique repose sur la vente des produits que nous fabriquons, mais des agences de location sont aussi intéressées. Je suis persuadé que LINTTOR peut fonctionner en location alors nous ne fermons pas la porte aux loueurs qui voudront s’équiper.  Ce qui nous importe c’est que notre produit soit accessible à tous et qu’il équipe à termes tous les chantiers. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu afficher un prix de lancement à moins de 500 euros HT la paire. Dans les faits, nous constatons que les artisans achètent une paire qui va leur suffire à faire tous les coffrages dans la journée.

En revanche, les grands groupes préfèrent commander par 10 paires pour préparer tous les coffrages en même temps et décoffrer en sécurité après séchage, le lendemain.

Enfin, nous sommes heureux de voir que nombre d’autoconstructeurs nous sollicitent, même si ces derniers aimeraient pouvoir profiter d’un système de location…

Quelle place accordez-vous à l’innovation et à la R&D ?

On a dans les cartons de nombreuses idées. Il existe d’autres modes de réalisation de nos brevets. Nous avons par exemple, la possibilité de faire du LINTTOR un support à garde corp en y ajoutant des crochets ou un support à potelet. C’est pour bientôt !

Nous allons aussi faire une version du LINTTOR pour les briques monomurs avec différentes dimensions, et une version modulable spéciale rénovation.

Enfin, d’autres outils astucieux sont en gestation.

HALITT intègre-t-elle une démarche d’atténuation, d’adaptation, de transformation, face aux dérèglements climatiques ?

Je n’ai pas voulu me lancer en affaires pour devenir riche et célèbre !

Nous avons choisi d’aller sur des matériaux durables. Nous voulons produire des outils solides, durables et réparables, nous rejetons l’idée du jetable. On ne veut pas faire croitre la montagne de déchets du bâtiment avec nos produits.

J’ajouterais que le maçon est depuis quelques décennies dépossédé de son savoir-faire, avec des produits déposés sur place et déplacés avec des grues et des engins élévateurs, le reléguant au rang de simple technicien d’assemblage. Nous pensons qu’il est plus rentable et plus écologique de confier le coffrage des linteaux à un maçon qui réalisera son œuvre sur place, à l’ancienne, que de transporter par camions des mètres linéaires de poutres préfabriquées.

La maçonnerie est un beau métier, mais c’est un métier dur. Les centres de formation et les entreprises constatent qu’il y a du mal à garder les compagnons. Notre idée est que nos outils puissent être confiés sans formation spécifique à l’intérimaire, à l’apprenti. Cela leur permettra de réaliser une tâche accessible, directement valorisants, qui lui donnera l’envie de persévérer.

Une question maintenant sur votre territoire. Quel est votre port d’attache ? est-ce que vous pouvez décrire votre relation à ce territoire ? ce qu’il vous apporte ? Ce que vous lui apportez ?

Nous gravitons autour de Nantes et de la Bretagne, de la Vendée et de la Normandie. Le grand Ouest est notre territoire de base. Je suis normand, de Caen. Ma femme est bretonne. Notre zone de démarrage c’est le grand Ouest, mais nous voulons fournir cet outil à tous les pays qui construisent de la même façon, en Europe et en Afrique, à tous ceux qui travaillent avec des blocs de parpaing et de brique.

En retour, nous avons l’ambition d’apporter à notre région la fabrication et l’assemblage de nos produits. On ne va pas faire fabriquer nos produits en Chine.

Une startup vue par un financier ne se gère pas comme nous l’avons fait chez HALLIT. Nous avons tout fait à l’envers ! N’importe qui aurait fait une levée de fonds avec des commerciaux en masse et une fabrication en Asie. Nous, nous avons décidé d’aller à la vitesse de nos clients, nous les impliquons, et ça marche. Les choses vont peu à peu s’accélérer.

Nous n’avons pas seulement envie de réussir quelque chose, mais il y a la manière. Les emplois en local par des personnes handicapées ou éloignées de l’emploi, cela en fait partie.

Auprès de qui ou de quoi allez-vous puiser votre énergie quand vous en avez besoin ?

J’ai la chance d’être entouré d’une femme brillante, avec qui j’ai une relation fusionnelle. Elle est ma femme, mon conseil et mon partenaire. Ensuite, j’ai un associé qui est un ami d’enfance et nous avons une complicité et une complémentarité à toutes épreuves.

Enfin, j’aime bien les gens. Ce qui me tient à cœur à titre personnel serait d’avoir un impact sur le monde et de lancer des projets qui donnent aux gens des outils pour avancer par eux même. Je voudrais, en toute humilité, participer à des projets qui donneront envie d’y croire. Par exemple, nous caressons l’idée de travailler sur les problématiques d’accès à l’eau au Sahel. L’ampleur de notre contribution dépendra du succès que nous rencontrerons avec le projet HALITT.

Vous êtes membre de Novabuild, quels bénéfices en retirez-vous ?

Ce que j’en attends serait d’avoir accès aux commissions de NOVABUILD, avec des experts pluridisciplinaires dans l’industrie, les sujets de certification et dans d’autres domaines. On se sent parfois un peu seuls. J’aimerais être dans un microcosme qui me pousse dans mes retranchements, qui m’ouvre les yeux sur des sujets nouveaux. Il y a beaucoup de choses que nous ne maîtrisons pas.

Dans NOVABUILD, il y a cet aspect bienfaiteur de la planète et cette concentration de personnes de haut niveau qui peuvent nous aider.

Et il y a aussi le bonus qui serait de pouvoir participer à CIRQ sur ARTIBAT.

À termes, avec NOVABUILD, on pourra potentiellement trouver des partenaires qui seraient en phase avec ce que nous faisons, et qui nous permettraient de nous concentrer sur notre cœur de métier de façon à lancer les nombreuses inventions que nous avons en tête.

Je vous remercie.

Propos recueilli par Pierre-Yves Legrand, directeur de NOVABUILD, le 12 février 2021

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