
L'ingénierie au service de la construction durable | Rencontre avec Jean-Philippe de Alzua, groupe PROJEX
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Adhérent
NOVABUILD
Projex Ingénierie - Groupe PROJEX
Cabinets d'ingéniérie - Bureau d'étude
Nantes (44100 )
Témoignages

Bonjour Jean-Philippe de ALZUA, comment allez-vous dans cette période de crise sanitaire, doublée d’un début de crise économique, sans oublier la crise climatique qui s’accentue ?
C’est effectivement une situation très particulière que nous vivons en 2020. Je dois bien dire que nous ne nous en sortons pas trop mal. C’est complexe à gérer en tant que dirigeant, il faut parfois réévaluer le cap. Je suis assez fier de constater que nous n’avons pas fait de chômage partiel et que l’entreprise se porte plutôt bien dans cette période.
Pouvez-vous vous présenter, vos 3 points forts personnels et professionnels ?
Je pourrais faire part de trois qualités, la curiosité, l’exigence de qualité, et l’humanité.
Je m’aperçois que la curiosité est ce qui me fait bouger, c’est mon carburant. Chaque sujet doit être une occasion de se mettre en cause. Je cherche à ne pas utiliser des solutions toutes faites. Être curieux, c’est écouter le client, et toujours repartir d’une feuille blanche, essayer de comprendre comment les choses fonctionnent.
Sur la recherche de qualité, je suis effaré de voir dans le bâtiment des entreprises qui repassent 2 ou 3 fois sur le même sujet, que ce soit en études ou en production. C’est dû à des choses qui ne sont pas assez travaillées en détails. La qualité, c’est de faire bien du premier coup. Cela fait 12 ans que j’ai créé ELOGIA, et nous avons zéro sinistre à notre compte. Parfois la rentabilité a pu en pâtir, mais la qualité est toujours au rendez-vous, et nos clients nous recommandent à leurs confrères !
Enfin, sur la dimension humaine, le lien social, je suis persuadé du rôle social du chef d’entreprise pour son équipe. C’est quelque chose qui me vient de la dizaine d’années que j’ai passée au CJD, qui prône l’humain au cœur de l’entreprise. J’ai conscience de ma responsabilité pour mes collaborateurs, mais aussi de ma responsabilité sociale dans l’acte de construire. Ce qu’on conçoit aujourd’hui sera là dans 100 ans, et si on se trompe, l’inconfort, pour ne pas dire plus, sera toujours là. Je veux être fier de ce que j’ai conçu. Cela va jusqu’à ne pas contractualiser sur un projet avec un client potentiel si l’exigence de qualité n’est pas au rendez-vous. Cela m’est arrivé deux fois de décliner du fait des conditions qui m’étaient offertes.
Pouvez-vous nous raconter comment vous avez créée ELOGIA ?
J’avais commencé à travailler dans l’efficacité énergétique des entreprises, puis j’ai co-dirigé avec mon frère l’agence d’architecture DE ALZUA+, qui est une agence lilloise de 22 personnes, à laquelle j’apportais ma contribution depuis Nantes. Bien qu’originaire de Lille, pour des raisons personnelles, j’ai décidé d’ancrer ma vie à Nantes.
En 2009, j’ai créé ELOGIA qui est à l’origine un bureau d’étude en efficacité énergétique. L’efficacité énergétique a trois dimensions, c’est non seulement un usage maîtrisé des énergies, mais c’est aussi l’optimisation du confort d’usage, et la maîtrise de l’impact environnemental, c’est à dire la réduction de la consommation d’énergie fossile.
Nous sommes très vite devenus prestataire référence Bilan Carbone auprès de l’ADEME et avons été dans la foulée le plus important cabinet Bilan Carbone de Loire-Atlantique.
La maîtrise des outils de calcul thermique a amené nos clients à nous demander d’aller plus loin pour dimensionner l’enveloppe du bâtiment et de les aider à dimensionner aussi les installations de chauffage, de refroidissement, etc. Nous avons donc évolué à partir des années 2012-2013 vers une activité de bureau d’études thermique-fluide et environnemental.
C’est ce qui a permis la croissance d’ELOGIA avec des projets emblématiques.
C’est assez naturellement que nous avons été sollicités pour des projets de plus en plus importants, ce qui nous a amené à nous associer avec des partenaires sur des projets de grande envergure.
C’est ainsi que nous avons travaillé régulièrement avec le groupe PROJEX, à tel point qu’il nous est arrivé l’idée d’unir nos destins. C’est l’annonce qui a été faite le mois dernier. Nous allons vers une fusion de nos entités, avec le maintien de la marque ELOGIA pour l’Ouest (en savoir plus).
Food Hall - Ile de Nantes - Groupe Chessé / DLW
Pouvez-vous nous donner quelques références d'ELOGIA dans l'Ouest?
Avec plaisir! Nous avons par exemple participé à la rénovation des bureaux de Giboire dans un site emblématique en plein centre ville de Nantes, nous avons également participé à plusieurs projets de verrières aux cotés de CMF, et plus récemment, nous participons au projet de Food Hall avec le groupe Chessé et DLW. J'aimerais aussi évoquer le dossier de GROUPAMA à Vannes avec Marian RUBIO architecte, où la réhabilitation lourde (3M€ de travaux) d’un bâtiment tertiaire de 3000 m² des années 70 a permis de réduire de 40% la facture énergétique et réduire à moins de 2% l’inconfort en période estivale.
Pouvez-vous présenter le groupe PROJEX ?
Le groupe PROJEX, c’est 380 collaborateurs et 40 millions de chiffre d’affaires, pour parler chiffres. Il s’agit d’un groupe Lillois (de Villeneuve d’Ascq pour être précis) qui s’est développé sur l’ensemble du territoire français.
PROJEX est un groupe d’ingénierie du bâtiment qui dispose de l’ensemble des compétences : fluides (CVC, CFO, CFA), thermique (on va pouvoir croiser nos expériences avec des collègues, c’est chouette), environnement, structure notamment bois (ce que nous n’avions pas à ELOGIA), économie de la construction et la compétence BIM avec la filiale PROBIM.
Je me souviens des premiers groupes de travail BIM que NOVABUILD a engagé en 2015. C’était génial ce que vous avez fait pour imaginer des licences groupées, puis pour nous sensibiliser et nous former avec les JeDisBIM. Cela nous a donné l’occasion de développer cette compétence. C’est ainsi que depuis 2016, nous travaillons avec le BIM. Le groupe PROJEX a été super surpris au moment de la fusion de voir ce que nous savions faire avec le BIM, ce qui n’est pas commun pour un bureau de notre dimension.
Je voudrais aussi noter la compétence environnementale de PROJEX avec la filiale DIAGOBAT qui a une compétence diversifiée depuis les ACV, la biodiversité, en passant par la mobilité ou l’acoustique. Ils ont de l’expérience et de belles références. Nous gagnons en expertise croisée et ce que je vis avec eux depuis un mois est génial, c’est fabuleux, il n’y a pas d’autres mots.
Quel est votre rôle, votre contribution au sein du groupe PROJEX ?
Je suis devenu le directeur de l’agence grand Ouest du groupe. Cela couvre les Pays de la Loire, la Bretagne, la région centre et le nord de la grande Aquitaine (ex Poitou Charentes).
collège du quartier de Wazemmes - De ALZUA +
Vous n’êtes plus le patron de l’entité que vous avez créée, comment le vivez-vous ?
Mon patron est Antoine GROLIN. Je le connais depuis 15 ans, on a fait ensemble un collège à Lille à cette époque. J’étais moi-même maître d’œuvre pour l’agence d’architecture et PROJEX était un bureau d’études. Ce projet était fabuleux. En 2006, c’était le premier collège certifié HQE. On a appris à se connaître. On a surtout découvert que nous avions les mêmes moteurs et les mêmes valeurs. J’ai la chance aujourd’hui d’avoir un super patron ! C’est un chef d’entreprise, au vrai sens du terme.
Quelle est la ou les cible(s) du groupe PROJEX ?
ELOGIA avait pour cible le bâtiment professionnel : le tertiaire, la santé, les bâtiments industriels et commerciaux, avec une grosse part sur la réhabilitation, qui est notre marque de fabrique. En rejoignant le groupe PROJEX, nous ajoutons le logement collectif qui sera un domaine de développement pour nous dans l’Ouest.
Pour résumer, nous gardons nos fondamentaux et nous souhaitons nous développer dans le logement. Le groupe est également persuadé que la rénovation est le sujet de demain.
Quelle est votre place sur votre marché ?
PROJEX est un leader dans les Hauts de France, et avec les croissances externes nous avons une bonne présence désormais sur l’ensemble du territoire. Nous visons une vingtaine de collaborateurs pour le grand Ouest.
Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents ?
La question de la ville de demain est au cœur de PROJEX. Notre ADN, c’est les usages partagés, les évolutions des déplacements, le bas carbone, les îlots de fraîcheur, etc. Comme le dit notre slogan, nous partageons un rêve et le réalisons. Nous sommes un acteur de la transformation du bâti et de la ville de demain.
Sur ces questions, je dois bien le dire, lors de nos échanges, ils ont mesuré clairement la force de NOVABUILD. Ils ont pris conscience qu’ELOGIA se nourrit de ce que vous nous apportez.
Quelle place accordez-vous à l’innovation et à la R&D ?
Je n’ai pas forcément de données chiffrées précises. Ce qui est sûr, c’est que notre filiale PROBIM a un temps d’avance.
Ce qui m’a marqué c’est qu’ils sont déjà sur le BIM exploitation. Leur cible est d’aller voir des exploitants de foncières et des bailleurs sociaux pour leur proposer de gérer leur patrimoine immobilier avec le BIM. Ils y sont déjà et ça marche ! Ils ont une activité rentable dans ce domaine.
Quand on parle d’innovation, cela évoque aussi ce que j’ai découvert avec l’expertise de PROJEX en structure bois. Ce n’est pas mon métier d’origine, mais j’ai été bluffé par la qualité de projets qu’ils réalisent, avec des IGH, le logement collectif. Il y a un vrai sujet sur lesquels le groupe a une expertise de haut niveau.
Réhabilitation Groupama Vannes - anvant/après - Marian RUBIO architecte
Votre structure intègre-t-elle une démarche d’atténuation, d’adaptation, de transformation, face aux dérèglements climatiques ?
DIAGOBAT, dont je vous parlais tout à l’heure, maîtrise des outils de simulation thermique dynamique, non pas sur des historiques de température, mais sur des projections de climat à horizon à 20-30 ans. Cela montre que nous sommes bel et bien plongés dans ces questions. DIAGOBAT dispose sur les questions climatiques d’une expertise et d’un regard a plus long terme. On voit plus loin que la date de réception du bâtiment et les 10 ans du parfait achèvement...
Quelle vision portez-vous sur l’avenir du bâtiment, de la ville, des aménagements ? Les tendances émergentes qui vont se généraliser, les « mauvaises habitudes » qui vont cesser ?
Je pense qu’aujourd’hui la prise de conscience climatique a dépassé les 50% des acteurs dans notre profession. Des évènements comme Cities to Be, co-organisé par NOVABUILD, ont permis de faire passer le message. Il y a une prise de conscience qu’on ne peut plus construire comme nous l’avons fait jusqu’à présent, il faut avoir une vision plus large que la parcelle sur laquelle on intervient.
Je suis optimiste. Je crois que cette prise de conscience va se traduire en actes et que progressivement les acteurs de la construction vont faire évoluer leurs commandes et leurs programmations.
Je suis optimiste sur le fait qu’il n’y a pas de retour en arrière possible. Il peut y avoir des ralentissements, comme avec la COVID, ce ne sera peut-être pas le même calendrier, mais la démarche est lancée.
Les acteurs de la construction qui ne l’ont pas compris sont condamnés à moyenne échéance.
Une question maintenant sur votre territoire. Quel est votre port d’attache ? est-ce que vous pouvez décrire votre relation à ce territoire? ce qu’il vous apporte? Ce que vous lui apportez ?
Mon territoire c’est Nantes et sa région. C’est là que sont nés mes enfants, c’est là que j’habite, que j’ai créé mon entreprise, c’est là que je travaille.
Je dois tout à la Région dans laquelle je travaille aujourd’hui.
Ma zone d’intervention, c’est une heure autour de Nantes, là où nous sommes en mesure d’accompagner et de suivre nos projets.
Bâtiment Lelong - Quartus – Habitat et Humanisme / Lacaton Vassal - Gaëtan Redelsperger
Mais parfois on vient nous chercher au-delà de ce cercle. Je pense au projet de réhabilitation de la maternité de l’hôpital St Vincent de Paul à Paris. Il s’agit d’une construction des années 30 qui sera réhabilitée et réhaussée pour être transformée en logements. C’est un projet fabuleux ! Il résume ce que je souligne depuis le début de l’entretien : des architectes engagés (il s’agit d’Anne LACATON et Jean-Philippe LASSAL, les concepteurs de l’Ecole d’Architecture de Nantes) qui respectent un bâtiment existant et veulent en tirer le meilleur parti, et un promoteur (Quartus) qui est prêt à prendre des risques pour diminuer l’impact environnemental, avec zéro déconstruction. Il n’y aura pas une tonne de béton qui va quitter Paris pour aller dans une carrière ! Nous allons au bout des choses pour exploiter au mieux l’existant et améliorer la qualité d’usage des futurs occupants. L’idée est d’arriver à tenir l’objectif de qualité d’usage tout en respectant un budget contraint.
Auprès de qui ou de quoi allez-vous puisez votre énergie quand vous en avez besoin (familier, ami, musicien, artiste, romancier, ville, lieu secret, etc.) ?
Ma famille et mes amis sont le roc sur lequel je peux m’appuyer. C’est une nécessité vitale pour moi d’avoir cette base solide.
Ce qui me met en mouvement ce sont des rencontres géniales comme actuellement avec LACATON et VASSAL. Ils ont une démarche positive, dans un fonctionnement respectueux. On a de la pression mais tout cela reste en bonne intelligence.
Hall 6 Nantes - LIN architects (également cité en illustration de l'article)
Pouvez-vous évoquer pour nous votre plus bel accomplissement professionnel ?
Dans les projets récents, c’est la HALLE 6 de l’université de Nantes avec un architecte exceptionnel, l’agence LIN architects à Berlin avec Finn GEPEL comme patron. C’est un guide, il impulse une énergie incroyable. Tu n’as qu’une envie, c’est de les suivre. La HALLE 6 est un projet complexe. La structure métallique que l’on devait conserver était en très mauvais état. L’équipe est pour autant restée soudée du début à la fin. Nous avons pu exercer pleinement notre métier et au final nous sommes tous fiers du résultat, mais surtout nous avons tous pris beaucoup de plaisir. Ce projet concoure aux équerres d’argent avec une remise des prix à Paris fin novembre 2020.
Vous soulignez le plaisir quand j’évoque votre plus bel accomplissement professionnel, ce n’est pas commun !
Peut-être, mais c’est essentiel pour moi. Cela me fait penser à ce que vous faites à NOVABUILD. C’est génial, dans tout ce que vous proposez, le plaisir y est toujours présent. On passe du bon temps à Novabuild, et pour moi, c’est cela l’accomplissement professionnel !
Et le pas de côté que vous n’avez pas encore fait, et que vous aimeriez faire ?
En fait, j’ai essayé de le faire, mais je n’ai pas pu aller jusqu’au bout et je suis revenu dans le droit chemin ! Le pas-de-côté est d’aller voir comment on construit ailleurs. Mon regret est de n’a pas avoir réussi de mettre plus d’international dans mon activité.
J’ai fait à un moment du business au Maroc, pour essayer de concrétiser sur un autre territoire ce dont on se parle depuis tout à l’heure. Mais j’ai dû suspendre ce projet car le développement de l’activité d’ELOGIA en France restait ma priorité.
À nouveau, cette ouverture internationale me fait penser à NOVABUILD. Je me souviens de cette learning expedition à Londres que vous aviez organisée. Nous y avons pris du plaisir, il y avait du professionnel, de la technique et de l’international.
Rencontre Annuelle de NOVABUILD - 1er mars 2019
Vous êtes membre de NOVABUILD, administrateur de l'association, quels bénéfices en retirez-vous ?
La liste est longue. Vous me donnez combien de temps pour répondre à cette question ?
Techniquement, NOVABUILD est un laboratoire exceptionnel d’idées et de solutions, de retours d’expérience positifs ou pas.
C’est aussi un espace d’échanges entre confrères, ce qui est indispensable dans cette période complexe.
Et, je le redis, vous nous offrez un temps de plaisir. C’est un moment où je m’extrais de mes dossiers, c’est un temps de respiration, qui en définitive est ultra productif. NOVABUILD est indispensable au développement des entreprises.
ELOGIA ne serait pas ce qu’il est si NOVABUILD n’avait pas été là.
Les adhérents NOVABUILD le 1er mars 2019
Une belle rencontre avec NOVABUILD…
NOVABUILD ne peux pas se résumer au nom d’une personne car c’est avant tout un collectif, un ensemble qui est en mouvement. Quand on regarde le conseil d’administration, le nombre d’adhérents engagés, on est impressionné par la force du collectif.
Si je dois évoquer des noms, je parlerais du noyau dur, de Laurent ROSSEZ, de toi Pierre-Yves, de Juliette, de Lucie. C’est ton équipe qui est l’artisane du succès.
100% des réunions de NOVABUILD se transforment en réussite et nous vous le devons.
Je vous remercie d’avoir bien voulu répondre à nos questions.
Propos recueillis par Pierre-Yves Legrand, directeur de Novabuild, le 6 novembre 2020
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