L'industrialisation de la construction | Rencontre avec Jocelyn MERCERON et de Denis CASSIN, BOISBOREAL

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Publié le

18/09/2020
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Notre point fort, c’est la proximité. La proximité, c’est l’effet filière. Je suis persuadé que nous avons tout à gagner à imaginer des actions communes avec ceux qui sont aujourd’hui nos concurrents. Si nous passons notre temps à nous battre contre nos concurrents, nous ferons forcément du bas de gamme. Il faut changer la logique. En intégrant une logique industrielle, nous pouvons nous appuyer les uns sur les autres et avancer tous ensemble.
Jocelyn MERCERON, gérant de Boisboréal
Nous croyons beaucoup aux projets pilotes. Nous sommes attentifs à toute proposition de collaboration qui irait dans ce sens.
Denis CASSIN, chargé de prescription de Boisboréal

Novabuild est allé à la rencontre de Jocelyn MERCERON et de Denis CASSIN, respectivement gérant et chargé de prescription de Boisboréal. L’occasion de découvrir ce nouvel acteur de la préfabrication et construction industrielle d’ossature bois et de charpente. 


Novabuild : Bonjour Jocelyn Merceron, vous êtes adhérent de Novabuild depuis 2018 au nom du groupe SATOV. Est-ce que vous pouvez nous raconter l’histoire de cette entreprise ?

Jocelyn MERCERON : Avec plaisir. J’ai repris la société SATOV en 1995. C’était un groupement d’artisans en Vendée qui faisait des lotissements, avec environ 400 000 francs de chiffre d’affaires. Il y avait 2 lotissements en cours qui étaient quasiment à l’abandon. Au fur et à mesure, la société a évolué. Nous sommes devenus constructeur 3 ans après, puis nous avons démarré des projets de promotion. Le groupe SATOV, c’est donc l’histoire d’un développement.

Mon objectif au groupe SATOV est de nous maintenir à 50 collaborateurs, je souhaite rester un homme de terrain. D’ailleurs, je trouve que je ne vais pas encore assez sur les chantiers, cela me démange par moments.

J’ai pour ma part une formation d’école de commerce, et même si je suis tombé dans le bâtiment tout petit, j’ai eu besoin de m’entourer d’experts.

C’est comme cela que je me suis intéressé aux labels. J’ai toujours rattaché la construction de maisons à des labels. Dès 2003, nous avons été certifiés NF. A l’époque, la NF était assez lourde au niveau administratif et, en même temps, très structurante.

Quand CÉQUAMI a lancé NF-HQE en 2007, nous avons décidé de tout sortir en NF Habitat HQE. Ce référentiel était plus souvent utilisé pour faire du haut de gamme. Or, j’ai choisi de mettre cette certification dans la base de tous nos contrats pour tous les clients. Cela m’est apparu plus simple à gérer, et moins couteux en définitive.

Novabuild : Et plus différenciant aussi je suppose ?

Jocelyn MERCERON : Au départ, pas vraiment. Les gens ne portaient pas un grand intérêt à la NF HQE. C’était même vexant pour nous qui avions fait ce choix. Les confrères nous dénigraient un peu, en pensant que c’était un label de plus, alors que c’est une certification. C’est quand même beaucoup plus impliquant.

Pour qu’il y ait un vrai effet d’entrainement, je suis alors allé convaincre un autre acteur de la maison individuelle en Vendée, la Bocaine. Ils ont vu tout le bénéfice qu’il pouvait en retirer. Aujourd’hui, nous sommes cinq constructeurs de maisons individuelles en Vendée à être NF HQE, dont 3 référents (plus de 30% de leur marché en NF HQE).

Novabuild : Nous étions en plein confinement quand, à Novabuild, nous avons reçu l’adhésion de la société Boisboréal que vous dirigez également. Nous voulions vous féliciter de cette démarche qui se situe dans un contexte un peu particulier. Comment s’est passé pour vous cette période du confinement ?

Jocelyn MERCERON : Tout d’abord, je souhaiterais préciser que j’ai décidé de distinguer le Groupe Satov et Boisboréal. Chaque société a son propre projet. Je vais m’impliquer personnellement pour réussir le projet Boisboréal, lui permettre d’être pragmatique et réactif. Mais c’est bien un projet à part entière. Les deux entreprises ont leur propre logique, leur propre marché. Nous continuerons, à Groupe Satov, d’avoir une diversité de prestataires, puis Boisboréal a et aura toute une gamme de clients bien au-delà de ce que peut proposer Groupe Satov.

Pour en revenir à votre question, la période a été vraiment très particulière.

La société « Arcadial », constructeur de maisons individuelles a été en liquidation judiciaire le 8 janvier 2020, et la société « Arcadial Production », fabriquant et poseur d’ossature bois était elle mise en redressement judiciaire à la même date.

Le 17 février, nous avons déposé une proposition de reprise au Tribunal de Commerce concernant la société « Arcadial Production » et nous avons appris le 6 mars que notre offre avait été retenue.

Donc, dès le 6 mars, l’activité a repris sous le nom de Boisboréal, avec la priorité de réapprovisionner la production.

Et le 17 mars 2020, nous avons dû arrêter du fait de la crise sanitaire !

Pour autant, l’équipe encadrante et le bureau d’études ont continué à travailler pendant toute la période de confinement. Cela a été un bien, car cela nous a permis de remettre tout en place, de recommencer à faire de nouvelles propositions.

Le projet de développement de l’entreprise a été annoncé au personnel le 30 avril. Le volet RH est très important dans ce contexte.

La production a repris le 4 mai. Les clients nous ont fait confiance et les fournisseurs ont continué à travailler avec nous.

Novabuild : Jocelyn Merceron vient d'évoquer le projet de développement de l’entreprise. Denis Cassin, vous êtes chargé de prescription de Boisboreal, est-ce que vous pouvez en dire plus ?

Denis CASSIN : Boisboréal, c’est un projet industriel à part entière. Nous voulons être le partenaire de la construction de demain avec un outil industriel. Nous sommes persuadés que la préfabrication est une voie importante pour le développement de la construction. Il y a beaucoup de projets qui arrivent. Le challenge est de se lancer sur la préfabrication dans un marché qui est en plein essor.

La construction va devoir beaucoup évoluer dans les prochaines années, intégrer de nouvelles contraintes. L’ossature bois va connaître un essor important car c’est un matériau plus respectueux de l’environnement, mais aussi parce qu’il permet d’aller très loin dans l’industrialisation.

Novabuild : Qu’est-ce qui vous a motivé dans cette reprise ?

Jocelyn MERCERON : Boisboréal, c’est une opportunité. Depuis longtemps, j’ai envie de faire de l’industriel. J’ai certainement le goût du challenge. Se lancer dans une histoire comme celle-là, c’est du challenge, mais aussi un peu d’inconscience, avec une vision de ce que peut être le marché. Je connais bien le marché immobilier, les réseaux sur lesquels agir.

Le côté bois est une motivation complémentaire, avec le volet environnemental qui est toujours ma ligne de conduite. Le marché a changé ces dernières années, les gens sont beaucoup plus intéressés par les questions environnementales.

Pour un projet de reprise comme celui-là, il y a 3 points qui sont mis en avant : le projet, le social et le niveau de l’offre. Je ne vous cache pas que j’avais mis le paquet sur le projet (approfondir l’industrialisation) et l’ambition sociale (maintenir les emplois et aller au-delà si possible).

L’important c’est d’amener l’équipe à s’engager dans ce nouveau projet. Le passage du manuel à l’industriel est un gros changement très motivant.

Novabuild : Quelles ont été vos premières décisions ?

Jocelyn MERCERON : L’important est de ne jamais oublier que tous les collaborateurs sont partis prenantes de l’entreprise. Donc, la première chose que j’ai fait réaliser, c’est un audit RH. Les salariés ont pu s’exprimer, et, de mon côté, j’ai pu mieux comprendre l’état d’esprit des collaborateurs. Nous avons constaté qu’il y a des personnes hyper motivées auxquelles nous devons donner des perspectives de développement.

Et il faut aller vite ! Il y a une course contre la montre dans ce type de procédure.

Il y a 2 types d’entreprise, celles qui sont équipées et celles qui ne sont pas équipées. Aujourd’hui, pour y arriver, c’est le niveau des équipements de production qui fait la différence.

Boisboréal devra être un acteur référent du mur ossature bois.

Novabuild : Vous avez donc mis en place un plan d’investissement ?

Jocelyn MERCERON : Boisboréal avait deux solutions, soit diviser par deux sa taille, soit la multiplier par deux. On avait une taille intermédiaire qui ne permettait pas d’agir.

Notre objectif est de nous positionner sur des marchés de taille moyenne qui vont au-delà de la maison individuelle qui était le marché d’origine d’Arcadial Production.

Donc, nous avons décidé de déployer un plan d’investissement qui passe vraisemblablement par un déménagement du site de production.

Denis CASSIN : Nous sommes accompagnés par la société AXIBOIS pour imaginer ce plan d’investissement qui doit correspondre aux besoins du marché de demain. Nous avons été invités à observer ce que font les confrères, ceux qui fonctionnaient bien. Notre constat est qu’il fallait aller vers l’industrialisation.

Nous sommes sur un programme AMI avec la Région Pays de la Loire. La Région a pré-validé l’étude de pré-industrialisation.

J’ajouterais qu’Arcadial Production a été précurseur dans la préfabrication, mais nous étions au bout d’un cycle, et là nous redémarrons un nouveau cycle en lui donnant les moyens de poursuivre la progression, innover, investir. C’est maintenant ou jamais pour industrialiser le savoir-faire reconnu d’Arcadial Production.

Novabuild : Il y a déjà sur le marché des entreprises de construction qui choisissent l’industrialisation. Qu’est-ce que vous allez apporter de différent avec Boisboréal ?

Denis CASSIN : Boisboréal sera une sorte de labo à disposition des maîtrises d’ouvrage. Nous allons ainsi éprouver par plusieurs projets grandeur nature des solutions innovantes dans des coûts acceptables par le marché.

Je pense à un projet comme Pirmil-les Isles. Nous souhaitons avec notre outil être une référence pour l’industrialisation de projets bio-sourcés.

Novabuild : En dehors de l’industrialisation, quel sera le point fort de votre projet ?

Jocelyn MERCERON : Notre point fort, c’est la proximité.

J’ai besoin d’être proche des clients, des chantiers, de comprendre ce qui se fait, d’écouter. Arcadial Production travaillait sur un territoire très large, il faudra se recentrer.

Il y a aussi une raison environnementale à choisir la proximité. Je ne vois pas l’intérêt de faire un produit naturel et alourdir le bilan carbone par des déplacements incessants pour suivre le chantier.

La proximité, c’est aussi l’effet filière. Je suis persuadé que nous avons tout à gagner à imaginer des actions communes avec ceux qui sont aujourd’hui nos concurrents. Si nous passons notre temps à nous battre contre nos concurrents, nous ferons forcément du bas de gamme. Il faut changer la logique. En intégrant une logique industrielle, nous pouvons nous appuyer les uns sur les autres et avancer tous ensemble.

Novabuild : Vous présentez l’industrialisation et la préfabrication sous un angle très positif, il y a aussi quelques contraintes ou difficultés potentielles ?

Jocelyn MERCERON : Oui, pour une entreprise comme la nôtre, cela peut générer des avances de trésorerie assez importantes. Nous aimerions que la maîtrise d’ouvrage soit plus sensibilisée à cette question.

Dans beaucoup d’entreprises de construction, on s’intéresse plus aux questions techniques qu’aux questions financières. Il y a certainement un enjeu pour permettre à ces entreprises de se développer, de s’intéresser à leur structure financière. Il y a une réflexion de fond à faire. Novabuild pourrait agir en ce sens.

Être performant techniquement, c’est bien mais cela ne fait pas tout !

Novabuild : Quelle place accordez-vous à l’innovation et à la R&D ?

Jocelyn MERCERON : L’investissement envisagé permettra d’attaquer des produits que nous ne sommes pas encore capables de faire aujourd’hui. Nous avons besoin de nous appuyer sur les industriels, sur la filière bois pour avancer. La R&D, pour nous, c’est de la co-construction.

Soit nous faisons des kilomètres de murs ossature bois, soit nous écoutons attentivement le client en l’aidant à se différencier. Nous ne pouvons pas raisonner ossature bois comme si c’était du parpaing, il faut tout repenser.

La R&D, cela va au-delà de la technique, il y a aussi la gestion, l’ERP, il y a des outils qui permettent de structurer l’entreprise. Il faut parler de performance globale.

Si nous ne faisons pas de R&D en permanence, demain nous sommes morts.

Denis CASSIN : Nous croyons beaucoup aux projets pilotes. Nous sommes attentifs à toute proposition de collaboration qui irait dans ce sens.

Il y a aussi les concours, il faut que les architectes s’appuient sur des gens comme nous dès la phase concours, pour qu’ils aillent plus loin, avec des solutions plus performantes et plus économiques.

Novabuild : Votre structure intègre-t-elle une démarche d’atténuation, d’adaptation, de transformation face aux dérèglements climatiques ?

Jocelyn MERCERON : Aujourd’hui, c’est un impératif. Si nous sommes dans la construction et qu’on occulte la question climatique, il faut faire un autre métier.

Il y a le carbone et le confort du bâtiment. Aujourd’hui, nous (acteurs de la construction) savons tous gérer le froid, mais nous ne savons pas bien gérer le chaud.

Pour le confort d’hiver, il faut limiter la consommation. Or, la profession globalement est en train de faire des bâtiments qui consomment plus, avec beaucoup d’équipements. Le Low Tech est plus intéressant à long termes. Il faudrait que le banquier puisse faire une analyse des projets à long termes, notamment pour les primo-accédants, en intégrant les coûts d’exploitation dans les ratios de prêt.

Novabuild : Vous êtes membre de Novabuild, quels bénéfices en retirez-vous ?

Denis CASSIN : Vous êtes une source d’information énorme, que nous n’utilisons peut-être pas assez. Nous pourrions certainement vous solliciter davantage.

Nous avons suivi le travail que vous avez fait avec EnergieSprong.

Novabuild permet d’être en veille active sur les évolutions et de se connecter avec les autres acteurs de la construction. Vous nous permettez d’échanger avec des interlocuteurs qui ont des apports différents. Il y a le côté réseau. Boisboréal est un intégrateur de solutions, et Novabuild est utile dans cette perspective.

Jocelyn MERCERON : Novabuild permet de s’ouvrir à toutes les solutions, sans exclusivité. Le bois par exemple n’est pas la solution à toutes les questions, il faut s’ouvrir à d’autres filières. Il n’y a pas une solution unique, mais il y a un bouquet de solutions.

Novabuild : Pouvez-vous évoquer une belle rencontre avec Novabuild…

Jocelyn MERCERON : Je pense à la remise de trophées HQE à l’université d’été de la construction durable au Carrefour du Bois de 2018, où nous nous sommes retrouvés, les 5 principaux CMistes* de Vendée, pour être récompensés de cette démarche unique en France.

Denis CASSIN : Je peux évoquer aussi une multitude d’autres rencontres, avec des architectes, avec des bureaux d’études, des promoteurs, etc. C’est assez diffus. Ce type d’échanges est très important, il nous font progresser plus vite.

Propos recueillis par Pierre-Yves Legrand, directeur de Novabuild, le 21 juillet 2020

 

* CMistes : constructeurs de maisons individuelles

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