
J'ai testé pour vous la construction en terre crue
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Adhérent
NOVABUILD
ATELIER BELENFANT ET DAUBAS
Architecte
NOZAY (44170)
Rendez-vous en terre crue
La terre crue a été utilisée partout dans le monde depuis le début de l’histoire de la construction. A la sortie de la guerre le béton, l’acier et les briques de terre cuites ont remplacé le bois, la pierre et la terre car ils présentaient des gains de temps considérables (la reconstruction demandait une rapidité d’exécution).
"On estime, à l’heure actuelle, que 50% des maisons dans le monde sont construites en terre ; mais en France, seulement 15% des bâtisses sont construites avec ce matériau." (source : maison-construction.com).
La terre crue a été abordée dans un article publié par NOVABUILD en novembre, elle répond à de nombreux critères de l’économie circulaire. Le matériau terre est une ressource renouvelable et locale, le bilan carbone de son cycle de vie est excellent. Qu’en est-il de sa mise en œuvre ? Afin de faire partager à tous les spécificités de la mise en oeuvre d'ouvrage en terre crue, NOVABUILD a envoyé en reportage terrain, le 24/08/2017, Stéphanie Le Priellec, Chargée de communication. Son récit est retranscrit ci-dessous.
Comment construit-on en terre crue ?
PRESENTATION DE L’OUVRAGE
Année : 2017
SHON (Surface Hors Œuvre Nette) : 250m²
SHAB (Surface Habitable) : 142m²
Coût global : 320k€ TTC
Durée du chantier : juin à décembre 2017 - 7 mois
Niveau de performance : RT2012 ; BBIO ref - 44% ; CEP ref - 65%
Principaux matériaux utilisés : Bois (Douglas du Massif Central), Terre Crue, Liège, Béton de Chanvre
Localisation : Nozay
ACTEURS DU PROJET
Architecte et maître d’ouvrage : Bruno Belenfant
Bruno Belenfant, de l’Atelier Belenfant Daubas, adhérent de NOVABUILD, construit sa maison en terre crue. C’est l’occasion de poursuivre mes recherches sur les différentes techniques, en effet c'est le sujet que j'ai retenu pour ma thèse professionnelle. J’attrape mon appareil photo, direction Nozay !
Bruno Belenfant m’accueille à l’entrée de son chantier. «Bienvenue ! J’espère que tes vêtements ne craignent rien, la terre est très collante». Au moins je suis prévenue.
«Commençons par une introduction archéologique» me propose-t-il. Avant toute construction en terre crue, il faut analyser la terre. Que puis-je faire avec ce qui est présent sur le terrain? L’idée est d’utiliser ce qui est présent et gratuitement disponible. Faire venir de la terre d’un autre site perd l’intérêt écologique (transport) et économique. La terre du site en question est suffisamment équilibrée (schiste/argile). Le site a la particularité d’être très riche en fer. La couleur est rouge, violette.
Premiers coups de pelles, premières surprises : la découverte de scories. Ces scories sont le signe d'une activité métallurgique ancienne sur le site. Vraisemblablement issus de bas fourneaux qui ont été en usage depuis le début de l’Age du fer (- 1000 av JC), jusqu'à la fin du Moyen Age et parfois plus tardivement. Ce sont des traces que l'on retrouve de temps en temps à Nozay et ses environs, en raison d'un sous-sol riche en métaux divers (fer et étain principalement). Il n'a pas encore été possible de les dater plus précisément. Cela viendra.
Visité guidée de la maison
Conçue sur 2 étages, le rez-de-chaussé est utilisé pour les garages. La terre dégagée pour l’embasement en béton servira pour les briques. «Il y en aura trop, on va devoir évacuer une partie de la terre non-utilisée» nous précise Bruno Belenfant.
La maison dont la surface habitable est de 110M2 est en ossature bois. Les cloisons intérieures seront en briques de terre crue. Je m’apprête donc à découvrir la technique de l’Adobe.
La préparation de la terre
Le criblage
A la pelle ! La première étape consiste à passer au crible la terre pour évacuer les grosses pierres. Une cribleuse? Non, une palette de bois et du grillage à poules font l’affaire!
Je laisse l’expert faire…. C’est moins fatiguant…
Le mélange terre/eau
Ensuite les constructeurs professionnels en terre crue utilisent un malaxeur pour incorporer l’eau nécessaire. A Nozay on fait avec une bétonnière, «Ce n’est pas l’idéal, mais ça fait le job!» consent Bruno Belenfant.
La terre doit passer de l’état solide à l’état plastique pour être façonnable. Attention à ne pas passer à l’état liquide. Le dosage est important et il se défini à l’aide de tests préalables. Les dosages sont différents selon la terre. Pas de règle donc mais de l’expérience.
Pour faire la différenciation entre les principaux états hydriques, il existe le test dit des limites d'Atterberg.
Bruno Belenfant m’explique «J’ai fait des tests avant le début du chantier. J’ai prélevé de la terre et j’ai étudié les différents dosages, le pourcentage de rétractation de la terre au séchage…».
La terre est prête, elle peut être conservées indéfiniment sous bâche avant son utilisation, voire occasionnellement en la ré-humidifiant légèrement.
Le façonnage des briques
Passons à l’étape d’élaboration des briques. Je vais enfin plonger les doigts dans l’argile !
La taille des briques est relativement libre, selon les besoins du chantier, l’esthétisme recherché et les limites techniques. Les moules sont fabriqués maison avec le reste de la palette de bois du tamis, simple ou doubles.
On humidifie et on le pose à l’endroit où l’on veut que la brique reste ensuite pour les premiers jours de séchage.
Et voici le tuto brique de terre :
A mon tour, je me lance !
Bon la première n’est pas la plus convaincante mais tout de même… Je termine une jolie collection !
Des pigments violet apparaissent pendant l’élaboration.
Et ensuite ? Patience…. 3 jours de séchage et nous pourrons les retourner. Allons voir la production de la semaine précédente et passer ainsi à l’étape suivante.
Le grattage – retournage
(expression Perso production)
Pendant le démoulage, le surplus d’eau s’écoule et entraîne avec lui un peu d’argile.
Il faut gratter ce surplus pour obtenir une brique droite.
C’est l’occasion de reposer la brique dans l’autre sens et faire sécher la partie qui était face contre sol.
Phase de stockage
Comme sur tous les chantiers, la place manque ! Au Niger, les briques sont stockées à l’air libre. A Nozay, nous ne sommes pas à l’abri d’une onde estivale ou d’un orage soudain. Il faut donc rester à l’abri… enfin les briques surtout!
Lorsqu’elles sont suffisamment sèches, nous faisons de jolies petites tours, le Kapla est mort, vive la brique crue!
La mise en œuvre
Les briques sont prêtes, sèches. Il est temps de les monter.
Pour les fixer, un mortier de pose doit être préparé. Il est fait à partir de terre tamisée plus finement (6 mm) pour enlever les graviers trop gros pour être intégrés aux joints de 1 cm environ.
Les briques dessinent peu à peu la décoration intérieure de la pièce. Bruno Belenfant, tout en montant les briques, commente "Toutes les briques sont uniques, je les monte de manière tout aussi différente. Aucun mur ne se ressemblera".
Le mur se monte petit à petit. L’effet est splendide, selon l’heure de la journée, les murs se dévoilent sur des tons différents. Je vous invite à visiter les nombreux ouvrages présents sur le territoire. Vous mesurerez vous-même ce ressenti pour lequel le vocabulaire n’a pas encore été développé. L’acoustique, l’esthétique, le confort hydrique et olfactif, tout est à expérimenter dans les constructions en terre crue.
Merci à Bruno Belenfant d’avoir accueilli une novice sur son chantier et pour le partage de cette passion pour les éco-matériaux qu’il cultive depuis des décennies.
Pour plus d’informations :
Collectif des Terreux armoricains
CRAterre
Article NOVABUILD: Terre Crue, nouvelle alliée de l'économie circulaire
(2) Commentaires
Mabally Martin
07/06/2018 - 20:01
sani
09/11/2018 - 08:16
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