Le conseil pour un génie climatique vertueux | Rencontre avec Uwe BRAMKAMP, consultant

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Publié le

16/04/2021
conseil et ingénierie
génie climatique
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Uwe Bramkamp

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Témoignages

Mon projet est de contribuer activement à l’évolution des bâtiments pour que ce soit des bâtiments responsables du point de vue de l’environnement.
Uwe BRAMKAMP, consultant
L’innovation passe d’abord par le besoin, en chauffage et en rafraîchissement. La performance environnementale doit nous amener à regarder de façon différenciée les besoins locaux, pièce par pièce, et adapter les installations aux besoins, sans en rajouter. La quête de sobriété amène forcément à regarder dans le détail. On a des gains énergétiques énormes à faire sur l’efficacité des systèmes d’eau-chaude-sanitaire.
Uwe BRANKAMP, consultant

Bonjour Uwe BRAMKAMP, comment allez-vous dans cette période de crise sanitaire, doublée d’un début de crise économique, sans oublier la crise climatique qui s’accentue ?

Je vais bien. Il n’y a pas de soucis pour moi, c’est presque l’inverse. La crise climatique que nous vivons amène tout le monde à se poser des questions sur la durabilité du système actuel, et cela m’aide à faire mon travail d’accompagnement au changement, d’amener les décideurs à prendre les décisions qui vont dans le bon sens.

Pouvez-vous vous présenter, vos 3 points forts personnels et professionnels ?

J’ai un grand point fort, je suis curieux, j’ai toujours envie de savoir. Je cherche continuellement à comprendre comment les systèmes techniques et les connexions entre humains fonctionnent, pour faire passer mes idées et servir la société.

Ma deuxième qualité, qui est complémentaire, je ne prétends pas tout savoir, je suis ouvert à tout entendre, à tout évaluer, pour prendre la bonne décision pour notre santé et notre bien-être.

Le bâtiment dure plus longtemps que nous, il nous faut penser avec de l’avance quand on travaille dans le bâtiment.

Et enfin, les projets nouveaux m’intéressent, je suis engagé, je peux même dire que je suis entêté. J’essaie d’aller jusqu’au bout, je ne sais pas laisser quelque chose à moitié terminé. Cela me rend heureux d’avoir accomplis le chemin complet.

bramkamp [point] uatgmail [point] com ()

Pouvez-vous nous raconter ce qui vous a amené à créer votre structure ?

Je suis ingénieur de formation, spécialisé en énergie et en engineering chimie. Je suis d’origine allemande, et je me suis marié avec une française. C’est d’ailleurs pour elle que je suis venu en France !

Je suis entré dans une société française qui travaillait dans le génie climatique, je trouvais ce sujet intéressant, même si ce n’était pas ma formation initiale. J’ai passé toutes les étapes du génie climatique, dans plusieurs sociétés, le groupe Muller, Vaillant, Atlantic, etc.

Ces dernières années, dans ma position de conseiller technique à la direction industrielle d’Atlantic, j’ai suivi le projet Energie Sprong, j’ai découvert Pascal Chazal, et par ces découvertes successives, j’ai pris conscience que le génie climatique est en fait assez éloigné du bâtiment. J’ai découvert que nous devons faire travailler conjointement sur l’environnement, sur l’enveloppe et les systèmes. Je n’ai malheureusement pas réussi à convaincre ma direction d’aller dans ce sens.

Et puis, dans cette période d’interrogations, j’ai assisté à Cities to Be organisé par NOVABUILD avec l’Alliance HQE-GBC en septembre 2019. J’ai reçu à ce moment-là une grande claque. Et c’est comme cela que j’ai décidé de me mettre à mon compte comme consultant. J’ai 60 ans et je considère que j’ai beaucoup de choses à dire.

Pouvez-vous parler plus précisément de votre projet ?

Mon projet est de contribuer activement à l’évolution des bâtiments pour que ce soit des bâtiments responsables du point de vue de l’environnement.

Ma mission de consultant est de porter la voie du renouveau au-delà des lobbys et des marques. Il y a des nouveaux emplois qui nous attendent, il y a tellement de choses à imaginer, que ce soit en neuf ou en rénovation. La construction hors site s’applique à l’un aussi bien qu’à l’autre. Je souhaite porter cette idée nouvelle, ne pas avoir peur d’essayer, ne pas avoir peur de faire des ruptures.

Comment voyez-vous votre rôle aux côtés de vos clients ?

Je vois mon rôle comme celui d’un expert, d’un consultant. Je ne veux pas me mettre en avant. Je suis en retrait et en appui, je réponds quand on me le demande.

Votre double culture a-t-elle une influence sur votre activité professionnelle ?

Je me sens aujourd’hui européen, sans aucun doute.

J’ai travaillé en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, et en France aussi, bien sûr. J’ai de ce fait une vision européenne de mon activité.

Après 30 ans de vie en France et 30 ans de vie en Allemagne, je suis devenu à 60% français... même si je crois ne pas avoir encore toutes les finesses françaises. J’ai des choses à dire en tant qu’allemand, notamment sur le travail coopératif. J’ai bien conscience que sur la capacité rhétorique et à argumenter à la française, j’ai encore des choses à apprendre... J’ai pris conscience de ce que je devais à la culture française quand, salarié du groupe Saunier Duval, nous avons été rachetés par un groupe allemand, et j’ai assisté au choc des cultures, en étant plutôt sensible aux particularités françaises.

Pouvez-vous nous décrire la place que vous occupez sur votre marché ?

J’ai des missions assez diversifiées. Je m’appuie sur mon réseau constitué au fil d’un parcours professionnel dans le génie climatique.

J’ai monté avec une Startup, un dossier de demande d’appui à l’ADEME dans le domaine énergétique, avec un système très innovant, une vraie rupture.

J’ai suivi l’AQC dans une demande d’analyse des problèmes d’installation des pompes à chaleur (PAC), en vue de faire une fiche pratique d’aide à la pose des PAC.

J’ai assuré des formations sur la question du confort à l’École de Design de Nantes Atlantique. Le confort, ce n’est pas qu’une question de température, il faut faire les connexions entre l’enveloppe, l’humidité, les systèmes, etc.

J’ai aussi un projet avec un BET à Lyon Confluence, et un autre pour la réduction de la consommation en eau-chaude-sanitaire (ECS). Sur l’ECS, on a beaucoup de choses à dire, car c’est le plus grand « trou » d’énergie qui existe aujourd’hui dans le bâtiment. 80% de l’énergie que l’on produit dans le bâtiment pour l’eau-chaude-sanitaire, part dans un siphon. C’est du gaspillage d’énergie, pure et simple.

Quelles sont les 2-3 réalisations dont vous êtes le plus fier ces 5 dernières années ?

Ce dont je suis le plus fier, c’est la combustion pulsatoire. C’était ma première réalisation au sein de la société AUER du groupe Muller. C’était un brevet d’Elf, qui consistait à faire exploser un mélange air-gaz plutôt que le laisser en combustion de flamme. Le résultat, par rapport à la combustion, c’est que cela ne produit pas un flux continue, mais une vibration continuelle. Le directeur du labo avait travaillé à son industrialisation à partir du brevet, et j’ai personnellement dessiné la chambre de combustion et l’échangeur. Je constate que vingt ans après, c’est toujours cet ensemble, chambre de combustion et échangeur, qui est vendue.

J’ai aussi développé l’idée du chauffage hybride en 2004-2006 avec un assemblage de chaudière gaz et de pompe à chaleur. Quand on observe les performances des deux en termes de coûts, on voit que les deux appareils se complètent très bien en fonction des moments auxquels on les sollicite. Il fallait donc mettre les deux appareils en un produit, c’est ce que j’ai pu lancer à Atlantic.

J’ai un regret, c’est que la réglementation sur la construction neuve, avec la RT 2005, puis la RT 2012, et maintenant la RE2020, nous approche de la maison passive, avec une enveloppe qui est de plus en plus performante, et, de son côté, la filière du génie climatique continue elle, de fabriquer des chaudières pour des « passoires énergétiques ». Il n’y a pas encore eu le même saut dans cette filière que celui qui a été fait par la filière construction Hors Site.

Il y a bien la pompe à chaleur, le gaz, mais on oublie l’effet joule pour des petites puissances. On n’exploite pas assez l’effet joule dans le génie climatique des bâtiments neuf. De ce fait, les installations sont surdimensionnées, et peu optimisées dans les bâtiments neuf.

D’autre part, quand on pense cout global, au coût réel des systèmes énergétiques sur le long terme, on constate que la maintenance est importante. Et si on ajoute la question du CO2 et du carbone, question qui est essentielle dans la stratégie climat que nous devons tous avoir, alors l’électricité prend toute sa place pour le chauffage. Cela n’a rien à voir avec le « lobby d’EDF », c’est juste le fait de regarder les choses concrètement

Quel regard avez-vous sur l’innovation et la R&D dans la construction ?

J’essaie personnellement de pousser les innovations. Je suis vraisemblablement en avance de phase en incitant à la rupture et je constate que les installateurs gagnent encore leur vie avec le marché d’hier. Le business du quotidien n’intègre pas ce qui devrait être fait pour aller vers une meilleure prise en compte des impératifs climatiques.

Je constate avec satisfaction que la RE2020 signe la fin des chaudières murales au gaz qui n’étaient plus en phase avec ces impératifs.

Je continue de regarder les ruptures, je pense à la construction Hors Site qui permet d’installer directement dans les murs, en atelier, les installations CVC (Chauffage, Ventilation et Climatisation) dont on a besoin, et rien de plus.

L’innovation passe d’abord par le besoin, en chauffage et en rafraîchissement. La performance environnementale doit nous amener à regarder de façon différenciée les besoins locaux, pièce par pièce, et adapter les installations aux besoins, sans en rajouter. La quête de sobriété amène forcément à regarder dans le détail. Comme je le disais tout à l’heure, on a des gains énergétiques énormes à faire sur l’efficacité des systèmes d’eau-chaude-sanitaire.

Cette idée doit infuser dans toute la profession, notamment les architectes, les CMIstes, etc. Toutes les études précises dans la maison individuelle vont vers la même conclusion, il faut sortir du schéma ancien qui amène à chauffer toute la maison au même niveau.

Enfin, l’innovation doit être pensée dès le début, le plus en amont possible, pour faire les bons choix. L’innovation, cela se doit aussi se faire en partenariat entre tous les acteurs.

Même les grands groupes qui parfois pensent pouvoir tout faire tout seul, doivent s’associer à d’autres acteurs.

Le professeur gadget seul dans son labo, n’est pas un innovateur.  Il faut travailler avec toutes les professions du bâtiment, mettre tous les acteurs ensemble, comme nous le faisons à NOVABUILD.

Quelle vision avez-vous face aux dérèglements climatiques ?

Ça a été pour moi le facteur déclencheur d’un changement majeur. Avec Cities to Be, NOVABUILD a frappé fort. C’est bien cela l’enjeu. Oui, la question climatique fait peur, et j’essaie de porter une voie optimiste.

Il y a des freins, des lobbyistes, des coûts, etc. Pour autant, je constate que tous les acteurs sont dans les starting-blocks sur cette question, il faut juste orchestrer cela pour que cela démarre vraiment.

Il faut penser tous les jours à l’utilisateur final, s’associer à des sociologues notamment, essayer de comprendre au plus près ce qu’attendent les usagers.

Pourriez-vous nous faire part d’engagements que vous avez pris personnellement, ou en tant que dirigeant d’entreprise, en faveur des questions climatiques ?

Je vais vous raconter quelque chose de personnel, pour montrer que ces démarches sont forcément des sacrifices, des sacrifices personnels.

J’ai une moto depuis l’âge de 16 ans que j’ai achetée à l’époque pour 100 Deutsch Mark. Elle a le même âge que moi. C’est une « belle bête », et vous imaginez bien l’affection que j’ai pour elle. Mais cette moto consomme beaucoup. Mon projet aujourd’hui est de m’en détacher, c’est une déchirure.

La conscience climatique amène à ce type de rupture. On se rend compte que ce n’est pas si grave. C’est difficile de changer ses habitudes, mais il faut entendre le petit oiseau qu’on a dans la tête qui vous invite à faire les choses comme il faut.

Cela fait longtemps que dans ma famille on utilise le vélo ou la marche pour les courtes distances, et en plus, cela fait du bien à la santé.

Quelle vision portez-vous sur l’avenir du bâtiment, de la ville, des aménagements ?

Quand je regarde l’avenir du gros œuvre, je pense que la construction Hors Site va se généraliser, cela me paraît inévitable et logique. C’est peut-être ma pensée germanique qui m’amène à être sûr que c’est la voie de l’avenir, pour la qualité, le coût, le bien-être au travail, la précision, etc.

Energie Sprong, c’est en fait de la construction Hors Site appliquée à la rénovation. Cette extension du Hors Site me conforte dans l’idée que cela va se développer. Je vois des industriels en dehors de notre secteur, qui s’intéressent de près à cette question. Le seul facteur limitant aujourd’hui, c’est la disponibilité de la matière nécessaire, notamment le bois.

Quand je regarde du côté du génie climatique, on peut imaginer un développement du système de la location. On loue tout maintenant. L’investissement n’est pas toujours accessible à tous les ménages.

On peut se demander « Cela sert à quoi de posséder ? » Cette question se pose aussi pour le bâtiment.

J’ai pu suivre une étude en open innovation sur l’avenir du bâtiment, et il en est ressortie l’idée de la location des terrains, et des maisons Tiny House déplaçables. On a vu apparaître aussi l’idée du 3x20 : 20 ans, 20 m2 et 20 mille euros.

Est-ce que cela a du sens de posséder une pompe à chaleur, est ce qu’on ne va pas aller vers un contrat de location de confort ?

Dans ce cas, des sociétés des services mettront à disposition les systèmes qui apporteront le confort, qui feront le suivi avec de la maintenance prédictive, qui sauront donner une 2e vie aux matériaux, qui seront motivées à ne pas changer toute une chaudière quand il suffit de changer un ventilateur. La société de maintenance saura replacer chez un autre client un produit devenu inadapté, qui lui, en aura besoin. La possession crée une segmentation, et une perte d’efficacité. La location permet un système plus fluide, et plus responsable avec une chaîne complète. Cela va amener à voir même une conception qui va intégrer la durée de vie comme une obligation. C’est donc hyper-vertueux.

Une question maintenant sur votre territoire. Quel est votre port d’attache ? est-ce que vous pouvez décrire votre relation à ce territoire ? Ce qu’il vous apporte ? Ce que vous lui apportez ?

Mon territoire, c’est ma région, c’est les Pays de la Loire et le grand Ouest. C’est un territoire de mouvement, et cela restera un havre de paix côté température dans les années à venir, c’est un territoire qui aime l’innovation et qui est actif, notamment la Vendée.

Auprès de qui ou de quoi allez-vous puisez votre énergie quand vous en avez besoin ?

C’est la musique qui rythme ma vie. Je suis un garçon des années 70-80. J’ai grandi avec la disco. La musique fait bouger mon corps et me ressource. Avec la musique, je trouve que la vie est plus facile à vivre.

Et le pas-de-côté que vous n’avez pas encore fait, et que vous aimeriez faire ?

Là, c’est difficile, honnêtement, j’ai essayé beaucoup de choses.

J’ai eu la chance dans ma vie professionnelle de partir au Japon, mais je n’ai pas encore pu visiter l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. J’ai juste fait le marathon de New-York, j’y suis allé trois jours, dans un déplacement soutenu par Saunier Duval. J’aimerais y séjourner plus longtemps.

Vous êtes membre de NOVABUILD, quels bénéfices en retirez-vous ?

J’en attends des échanges, des partenariats, et des discussions, même si elles sont houleuses. Si on est toujours d’accord, on n’avance pas. Si on n’est pas d’accord, le cerveau se met en veille, en vigilance, en intelligence, et avec NOVABUILD, on essaie de trouver ensemble des solutions.

Pouvez-vous raconter une belle rencontre que vous avez faite avec NOVABUILD ?

Tous les acteurs que j’ai rencontré dans cette décennie passée avec NOVABUILD, sont ouverts et parlent avec amour de leurs réalisations. Tous ceux que j’ai rencontré sont des personnes engagées.

Je vous remercie d’avoir bien voulu répondre à nos questions.

Propos recueillis par Pierre-Yves LEGRAND, Directeur de NOVABUILD, le 30 mars 2021.

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